Pour nos visiteurs, le voyage commence souvent dans l’assiette, et pour nous autochtones, rien de plus précieux que ces moments partagés autour d’une table rassemblant la famille et les amis. Un péché de gourmandise ? Peut-être, mais c’est tellement bon. Comme tout ce qui est exceptionnel, la cuisine de Nice est souvent « imitée », bien sûr jamais égalée. Et gare à ceux qui osent transgresser les traditions : comme le barde d’Astérix, ils pourraient terminer le festin bâillonnés et attachés dans un arbre... Saviez-vous que notre pan bagnat est entré au « patrimoine français » en octobre dernier ? Une reconnaissance pour le « sandwich » ensoleillé, signature gustative du Comté de Nice, trésor national, dans lequel on incorpore (entre autres) tomates, radis, févettes et cébettes, œuf dur, olives noires et anchois, mais non, non, non pas de vinaigrette ! (voir recette plus bas).
Ce savoir-faire, il faut le protéger, pour éviter les dérives qui dénatureraient l’authenticité.
C’est pour cela que le label « Cuisine Nissarde » a été créé il y a un quart de siècle par le Cercle La Capelina d’or sur lequel l’Office de Tourisme Métropolitain Nice Côte d’Azur veille comme le lait sur le feu et fait vivre. Et on ne rigole pas : un comité technique a été mis en place afin définir des crières de sélection portant sur les recettes, mais aussi sur la qualité des produits et de l’accueil. Le label est attribué aux restaurateurs « qui œuvrent à la valorisation de la cuisine niçoise, qui s’engagent sur le respect des recettes, la qualité des produits et des matières premières utilisées, la qualité d’accueil et d’information de la clientèle comme la conformité avec la réglementation en matière d’hygiène et de sécurité ». Tout est dit dans cette profession de foi. Les établissements se reconnaissent au logo officiel. Il ne vous reste plus qu’à passer... à table !
Quel mesclun !
Honneur à la salade niçoise, mondialement connue, qui se déguste en entrée et peut même faire un plat complet sain et riche en goûts.
A son « menu » : cébettes, tomates, févettes, céleri, petits artichauts violets, poivrons verts et rouges, feuilles de basilic, œufs durs, filets d’anchois, huile d’olive et olives de Nice. Mais ni mayonnaise, ni ketchup !
Les bons produits !
Si les terres maraîchères sont en nette régression dans la vallée du Var du fait de l’urbanisation de Nice Eco Vallée, de nombreux agriculteurs des Alpes-Maritimes produisent - souvent en bio - tout ce qu’il faut pour se régaler. On les retrouve sur les principaux marchés et parfois à la vente directe à l’exploitation. C’est un gage de qualité.
200 recettes
Avec plus de deux cents recettes originales, elle est l’une des plus riches (et des plus savoureuses) de nos régions. « Son originalité est aussi due à l’isolement politique et géographique du Comté de Nice pendant plusieurs siècles, créant une cuisine d’autarcie alimentaire dans une région montagneuse et pauvre. Cette incitation à l’inventivité a contribué à ancrer la cuisine niçoise dans l’identité et les valeurs locales ». (Ref : Wikipédia).
Une affaire de famille(s)
C’est avant tout une cuisine familiale, transmise de parents à enfants, réalisée avec des produits du terroir mais préparés et assemblés sur la base de «recettes immuables ».
À table !
Le label « Cuisine Nissarde » est attribué par l’office de tourisme métropolitain aux restaurateurs qui s’engagent sur le respect des recettes, la qualité des produits, la qualité d’accueil et d’information de la clientèle. Des valeurs sûres !
Sur le pouce aussi
Pas d’élitisme ! On peut manger « niçois » et très bon sans se ruiner : une belle part de pissaladière ou de socca, des petits farcis achetés au coin de la rue... Il y a même des snacks officiellement labellisés !
En octobre 2019, le Comité du patrimoine ethnologique et immatériel du ministère de la Culture a émis un avis favorable à l’inscription des pratiques culinaires du pays niçois à son inventaire. Questions à Alex Benvenuto, retraité, ex-DRH au Crédit agricole, passionné de jazz et de culture du pays de Nice, auteur de vingt-cinq livres dont plusieurs sur la cuisine niçoise.
Alex Benvenuto, la cuisine niçoise va-t-elle être classée à l’UNESCO ?
Le 15 octobre 2019, le ministère de la Culture a tranché : la cuisine niçoise fait désormais partie du patrimoine culturel immatériel national. C’est en 2017 que Franck Bermond,professeur de cuisine à Sophia-Antipolis et au Greta, responsable de l’école de cuisine niçoise à Nice, a eu le premier cette idée farfelue. Maintenant, nous avons bon espoir d’être à l’UNESCO en 2021.
Comment fonctionne l’association ?
Durant deux ans l’association a réuni un comité technique et scientifique de vingt experts, compétent et représentatif, avec mission d’analyser et établir les différents aspects de la cuisine niçoise. Je précise que nous sommes tous des bénévoles. Nous n’avons pas de sponsor, pas de financement, nous sommes de vrais passionnés.
Que vous apportera l’UNESCO ?
Ce classement est un outil formidable. Il va permettre de renforcer la prise de conscience de l’importance de la cuisine dans la culture et le patrimoine niçois. Il faut tout mettre en oeuvre pour la mettre en valeur. Cela passe par la Sauvegarde, l’Evolution et la Transmission en tant qu’élément de notre identité au même titre que notre histoire ou notre langue. Cette cuisine est spécifique parce qu’on allie la douceur de la mer à la rudesse de la montagne.
Quels sont vos objectifs ?
Notre but n’est pas de dire qu’on interdit la mayonnaise dans le pan bagnat, mais de transmettre ce patrimoine culinaire. Nous devons évoluer : une tradition figée est une tradition morte. Déjà, des cours de cuisine niçoise sont donnés au lycée hôtelier. Nous allons aussi favoriser les circuits courts, les produits locaux.
Situé en plein coeur de la Vieille-Ville, au sein du palais du Sénat, cet atelier est ouvert aux personnes désirant apprendre à réaliser les recettes emblématiques de la cuisine niçoise avant de les déguster sur place ou de les emporter.
2, rue du Sénat, 06300 Nice 04.97.13.35.85 ou 04.37.13.44.56
Voir le site de l'atelier
Où en est la cuisine niçoise aujourd’hui ?
C’est un paradoxe : elle est connue et appréciée, mais les adresses ne se sont pas multipliées ces dernières années. Elle est pourtant portée par des gens de talent, comme Dominique Le Stanc, qui avait deux étoiles au Chanteclerc, et qui a une histoire étonnante puisqu’il a repris à la famille Giusti « La Merenda » près de la mairie de Nice. C’est de la belle et bonne cuisine niçoise, le plus difficile étant de faire toujours la même chose mais bien. Il y a aussi d’autres bons restaurants rue Grimaldi, comme le « Davia » de Pierre Altobelli.
Peut-il y avoir de la bonne cuisine niçoise ailleurs que dans le Comté de Nice ?
Non. Des chefs peuvent s’en inspirer, mais il faut évidemment les produits du terroir. On trouve ailleurs des adresses respectables, mais comme les bouchons lyonnais, elle est submergée par une bistronomie dynamique qui attire la clientèle jeune.
Peut-on toucher à la tradition et mettre par exemple de la mayonnaise dans le pan bagnat ?
Sans être intégriste, il faut respecter nos plats, la manière dont les assiettes sont assemblées. Les recettes sont immuables. C’est une cuisine de couleurs impressionnistes, avec le rouge, le jaune, le vert. Ajouter du quinoa ou des nouilles, c’est n’importe quoi ! Cela dit, même Escoffier avait un peu dérapé... Le classement à l’Unesco est important pour la reconnaissance, mais à condition que ce soit pour avancer, pas pour célébrer et commémorer.
Car si rien ne bouge...
Le grand chef Jacques Maximim a eu une approche intéressante. Il a été le premier à mettre sa touche personnelle en introduisant la courgette fleur au début des années 80. C’est une évolution subtile, comme celle de la ville de Nice, où quinze ans auparavant il y avait un parcours de cuisine niçoise bien balisé. Aujourd’hui, beaucoup de petites adresses ont disparu, notamment sur les collines de Bellet du fait de l’urbanisation. Des actions comme celle de la Capelina sont très positives car elles mettent en lumière notre richesse gastronomique. Il y a aussi le travail érudit du magazine « Lou Sourgentin » qui fixe la mémoire. Pour ceux qui veulent manger vraiment niçois, le livre de Jacques Médecin « La bonne cuisine du Comté de Nice » reste un repère.
« Ma mère, Adrienne Ghiglion-Issautier, a commencé la cuisine en 1945, raconte Jo Issautier. Après avoir tenu un restaurant place Garibaldi, puis l’Escalinada, rue Pairolière en 1951, elle s’est installée avenue Saint-Jean-Baptiste il y a quarante et un ans. Inspirée par mes grands-mères qui lui ont tout appris, Adrienne a elle-même inventé des recettes de cuisine niçoise. Elle est la première à présenter les beignets de fleurs de courgettes. Elle était complice et rivale d’Hélène Barale ».
Lou Balico est bien sûr labellisé « cuisine niçoise ». Sara Issautier, fille de la troisième génération, qui a repris la gestion du restaurant avec son équipe, dont John, chef cuisinier: « Pour nous, cette reconnaissance est d’autant plus importante que nous nous sommes à l’origine de cette idée, indique Sara Issautier. Au comité technique, nous représentons le côté ‘‘restauration de génération en génération’’. Nous sommes heureux de la valorisation de la cuisine niçoise, c’est une reconnaissance de l’authenticité de notre travail »
« Mes arrière-grands-parents ont créé cet établissement en 1875, raconte André Nallino. A l’époque, la salle du restaurant La Gaité Nallino était une terrasse réservée aux danseurs ». Le restaurant est labellisé « cuisine niçoise ». « Tous nos plats sont à 100% cuisine niçoise : daube, stockfish, raviolis, gnocchis fait maison, tourte de blette, farcis, poche de veau. Nous suivons un cahier des charges bien établi, nous respectons les recettes, les produits, la fraîcheur et la fabrication. Nous sommes contrôlés une ou deux fois par an ».
« L’établissement Chez Michel, qui comprend aujourd’hui une grande salle de 130 couverts et une terrasse pouvant contenir 150 clients, a été construit en 1950 par mon père Louis, indique Francis Michel, 74 ans, maître restaurateur depuis 2013. Quand mon père est décédé, j’avais 11 ans. Ma mère, Marie, a repris les rênes du restaurant pour proposer une cuisine familiale traditionnelle et niçoise.
C’est en 1978 que j’ai pris la suite avec mon épouse Jeannine. Aujourd’hui, nous sommes aidés par mon fils Jean-Louis qui s’occupe du bar et de la salle ». Le plat favori des clients, les raviolis à la daube niçoise. « Ils sont faits main, à la manière de Marie, ma grand-mère, poursuit Francis Michel. Nous servons aussi le pan bagnat, les petits farcis, les capouns (chou farci), les beignets de fleurs de courges, les tripes niçoises et la tête de veau ».
Cette catégorie a été créée en 2017. Elle reflète parfaitement l’habitude locale de manger en plein air.
Vie-Villages est un journal gratuit qui se veut être le lien des vingt-huit communes* d’un canton de Tourrette-Levens aux vastes contours. Douze mille exemplaires sont distribués toutes les premières semaines du mois en mairies, chez les commerçants et dans les boites aux lettres des particuliers. Le nom de ce mensuel n’a pas été choisi par hasard. Vievillages se veut être le reflet de villages qui veulent réussir leur vie et le témoin de la vie des habitants dans ces villages, leurs villages. Un magazine, trait d’union entre les petites et grandes communes du moyen et haut pays niçois, qui « descend » même jusqu’à la Grande Bleue.
* Aspremont, Belvedere, La Bollène-Vésubie, Castagniers, Clans, Colomars, Duranus, Falicon, Ilonse, Isola, Lantosque, Levens, Marie, Rimplas, Roquebiliere, Roubion, Roure, La Roquette-sur-Var, Saint-Blaise, Saint-Dalmas-le-Selvage, Saint-Etienne-de-Tinée, Saint-Martin-du-Var, Saint-Martin-Vésubie, Saint-Sauveur-sur-Tinée, Tourrette-Levens, Utelle, Valdeblore, Venanson.
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Crédits photos : OMT NCA / J.Kelagopian / JM / Jacques Gantié
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